Bonne nouvelle : les femmes s’installent de plus en plus dans les postes de Direction
Les politiques d’égalité professionnelle portent leurs fruits
La demande d’accélérer l’égalité professionnelle dans les entreprises s’est concrétisée par des mesures gouvernementales comme l’index Egapro mais aussi des changements de mentalité. Ceux-ci se traduisent par une volonté marquée de faire progresser les femmes à des postes de direction de management jusqu’aux plus grandes instances de l’entreprise. Cette démarche positive s’inscrit également dans les politiques RSE qui vont dans le sens de plus d’inclusion et de diversité. Cette approche plus égalitaire permet aux entreprises de bénéficier d’une meilleure marque employeur, de répondre à une demande croissante de leurs salariés vers plus d’égalité et d’attirer plus de profils féminins qui sont des ressources de très grande qualité dans un contexte de pénurie de compétences. Cette dynamique représente une avancée essentielle qu’il faut saluer et encourager. Les femmes doivent avoir les mêmes chances que les hommes d’accéder à des postes stratégiques et de management si elles le souhaitent. Cette prise de conscience à grande échelle permet aujourd’hui à de plus en plus de femmes d’avoir de belles opportunités et cette dynamique se poursuit.
Management au féminin : un malaise semble pourtant s’installer
Un sujet tabou
Cependant, cette nouvelle donne ne s’effectue pas sans heurts. Nous constatons de façon anormalement récurrente, à travers nos accompagnements, qu’un malaise s’est installé. C’est pour cette raison que je souhaite aborder ce sujet dans un article dédié qui s’adresse plus particulièrement aux DRH et aux femmes qui occupent des postes stratégiques et de management.
Nous rencontrons de nombreux hommes et femmes qui envisagent sérieusement d’évoluer vers d’autres postes en interne ou de quitter leur entreprise à cause d’un management, jugé comme étant très autoritaire, souvent exercé par des femmes.
Et pourtant, ces hommes, comme ces femmes, ne font pas partie de ceux qui n’acceptent pas d’être encadrés par des managers féminins. Ce sont des personnes qui au contraire sont en faveur de l’égalité professionnelle et dont l’égo n’est pas ébranlé par le fait d’être sous l’autorité d’une femme manager. Et c’est bien pour cette raison qu’ils gardent le silence, cherchent à évoluer ailleurs ou préfèrent partir dans une autre entreprise plutôt que d’en parler ouvertement. Les femmes quant à elles n’osent pas se plaindre sous peine d’être perçue comme étant celles qui veulent prendre leur place ou de vouloir entrer en conflit avec leur supérieure.
Dans les deux cas, ils ne savent pas comment (et ne peuvent pas) formuler leurs critiques ou leurs difficultés.
Des témoignages récurrents soulèvent ces difficultés
Les discours que nous entendons se ressemblent à peu près tous. En voici quelques extraits :
- “Je l’ai vu écarter un membre de l’équipe avec une brutalité inouïe. Elle nous a annoncé son départ en deux minutes et elle est passée à autre chose.”
- “Nous sommes obligés de suivre son rythme effréné. On a l’impression qu’elle travaille 7 jours sur 7, 24h sur 24. Il faut répondre dans la seconde à ses demandes et à ses idées même le week-end ou le soir. Elle est réputée pour user ses équipes, je confirme !”
- “Seuls les résultats comptent. C’est une personne froide, autoritaire sans empathie ni reconnaissance. Si nous ne sommes pas contents, nous n’avons qu’à aller voir ailleurs.”
- “Nous ne pouvons rien évoquer de personnel ou une difficulté. Ce comportement ne nous encourage pas à proposer des choses, des idées ou des innovations.”
Certaines femmes que nous accompagnons avouent avoir une manière de manager qui peut être effectivement très dure. Elles expliquent qu’il s’agit de la seule manière pour elles de s’imposer auprès des équipes même si cette façon de faire ne correspond pas à leur personnalité. Elles expliquent qu’au fond d’elles, elles en souffrent.
Pourquoi ces hommes et ces femmes sont-ils si nombreux à nous faire part de leur désarroi au point de vouloir changer de poste ou de partir ?
Comme je l’ai dit, il n’est pas question ici de généralité, ni de misogynie, de déni ou de rivalités, sinon je n’aurais pas écrit ces lignes. A mon avis, ce sont d’autres choses qui se jouent car ces remarques émanent autant d’hommes que de femmes.
Pourquoi le management au féminin a-t-il du mal à trouver son modèle ?
Quelles conclusions peut-on tirer de ce constat ? Je constate plusieurs cas de figures.
Des raisons différentes en fonction des profils
Les entreprises sont désireuses de propulser des femmes jeunes à haut potentiel. Si ces profils sont très prometteurs, les entreprises peuvent avoir tendance à leur faire sauter des étapes et elles les mettent ainsi dans des positions auxquelles elles ne sont souvent peu ou pas préparées. Ces femmes se retrouvent alors à devoir encadrer des personnes plus âgées et plus expérimentées, ce qui peut être déstabilisant. Leur réflexe peut être alors de tomber dans un management caricatural où pour se faire respecter, elles ont le sentiment de devoir faire preuve d’une trop grande autorité.
A l’inverse, des femmes plus âgées, qui n’ont pas bénéficié des politiques de discrimination positive, peuvent également adopter ce type de comportement car elles ont dû lutter âprement pour gravir les échelons en interne.
Ce comportement peut également tout simplement venir du fait que les femmes manquent encore de représentation du pouvoir au féminin et qu’elles ont peu de modèles pour se l’approprier.
Une prise de conscience des DRH et des femmes managers est nécessaire
Il me semble essentiel que les entreprises, les DRH et les femmes managers concernées prennent conscience de ce phénomène, et cela pour plusieurs raisons.
Premièrement, ils peuvent totalement passer à côté de ce problème car il est souvent tue par celles et ceux qui en souffrent de peur d’être mal jugés. Un mal être invisible peut s’installer dans les équipes, les échanges peuvent se réduire, les avis pourtant productifs peuvent ne plus se partager, les nouvelles idées peuvent se taire.
La deuxième est qu’ils ne se rendent pas compte aujourd’hui que des personnes quittent l’entreprise ou souhaitent changer de poste pour ces raisons. Il s’agit pour les organisations d’une perte de compétences et d’attractivité.
Enfin les femmes managers concernées ont tout à perdre. La fuite des collaborateurs leur fait perdre des compétences précieuses et cela aura un impact sur leur propre performance. Une mauvaise réputation de manager pourrait advenir et finir par leur porter préjudice. Quelle tristesse alors que la donne en faveur des femmes est en train de s’inverser.
Le masque qu’elles portent en permanence, que l’on comprend parfaitement au regard de l’histoire, les empêche de manager avec leur style, leurs atouts et toutes leurs qualités. Il les oblige à être une autre personne en permanence ce qui est une perte d’énergie importante et finira par créer une perte de sens.
Aider les femmes à trouver leur propre style de management
Assumer un leadership qui leur ressemble
Il est temps de laisser non seulement la place aux femmes au plus haut sommet des entreprises mais aussi de l’espace pour les laisser exprimer leur propre manière de manager. Elles doivent également s’autoriser à le faire.
Pour cela, elles ont peut être besoin d’être mieux accompagnées, de gravir les étapes clés du management et probablement d’avoir des rôles modèles différents qui leur montrent la voix. Elles ont besoin de comprendre que la puissance féminine existe et d’assumer un leadership qui leur ressemble. Elles n’en seront que plus fortes.
Manager avec leurs atouts en tant que femme et individu, trouver un autre schéma leur permettront non seulement de mieux se faire respecter, d’être plus performantes et d’embarquer pleinement les équipes dans leur projet.
Valoriser la complémentarité femmes – hommes
La complémentarité entre hommes et femmes, la diversité des profils en fonction des âges et du sexe représentent une richesse que les entreprises comme les collaborateurs doivent cultiver et encourager.
Les femmes managers n’ont rien à prouver aux autres, elles ont juste à être elles-mêmes. Elles ont été choisies, point. Leur progression de carrière n’est due qu’à leurs compétences ou à leur potentiel. Il est important pour elles de le comprendre. Certaines y arrivent parfaitement, et montrent ainsi la voix.
En guise de conclusion, je vous recommande d’écouter la chronique d’Anne Rosencher sur France Inter : “La féminité est une force” qui nous a interpellés au Cabinet dans le cadre de ce sujet. Il est temps que toutes les femmes comprennent que le féminin est une force et de le cultiver jusque dans leur leadership.