L’expatriation est encore, pour beaucoup de collaborateurs, synonyme de tremplin de carrière et financier. Elle est perçue comme une sorte de cadeau que l’entreprise offre uniquement à ses hauts potentiels et, par conséquent, c’est une proposition qu’ils ne peuvent pas refuser. Ou encore, une fois en poste à l’étranger, beaucoup pensent que leur carrière est prise en main et qu’ils n’auront pas à trop préparer ou anticiper leur prochaine étape professionnelle… Autant d’idées reçues qui empêchent bon nombre de collaborateurs de réfléchir aux objectifs de l’entreprise dans une expatriation, et à la manière dont l’expatriation s’inscrit ou non dans leur projet professionnel et leur vie personnelle. En avoir conscience est important et limitera les risques d’échecs au retour, les difficultés éventuelles ou frustrations.
J’ai listé 5 idées reçues sur les carrières expatriées
« L’expatriation est toujours un tremplin de carrière »
Non, l’expatriation n’est pas forcément synonyme de tremplin de carrière (du moins, pas immédiatement au retour). Pour chaque proposition d’expatriation, le collaborateur doit bien comprendre les objectifs de l’entreprise sur ce projet. Est ce que l’entreprise fait cette proposition car elle a besoin de répondre à un besoin particulier dont le collaborateur est l’expert ou va t’elle aussi lui permettre d’accéder à de nouvelles responsabilités ? Il doit se poser également les questions suivantes « Est-ce que partir fait du sens pour moi professionnellement et personnellement ?», « Pour quelles raisons ? » « Qu’est-ce que cette expatriation va m’apporter et me permettre de faire après ? » En effet, l’expatriation est une étape forte dans un parcours. Elle doit avoir du sens dans un projet plus global, permettre de cocher quelque chose, d’accroître l’employabilité. Sinon, elle sera plus porteuse de risques que de bénéfices pour l’employé. L’expatriation est une expérience riche mais elle n’est jamais facile professionnellement. Il faut de la motivation pour passer ses challenges (isolement, éloignement, culture…).
En revanche, si elle est souhaitée, qu’elle a du sens dans un projet professionnel à moyen ou long terme, la personne sera motivée, aura plus de chance de réussir et fera davantage de cette expatriation un « tremplin » pour son avenir professionnel.
« Les compétences acquises en expatriation seront faciles à valoriser au retour »
Le collaborateur expatrié acquiert de nouvelles compétences : encadrement d’équipes multiculturelles, connaissance d’un nouveau marché, des compétences techniques, personnelles etc… Hélas, elles ne sont pas toujours faciles à valoriser au retour car bien souvent, le collaborateur lui même ne sait pas les identifier, les valoriser, projeter leur utilisation dans l’entreprise et cela d’autant plus, qu’elles ne sont pas toujours réutilisables dans l’immédiat. A titre d’exemple, le barrage de la langue, les difficultés administratives liées au pays et les difficultés interculturelles ne seront pas facilement transposables au retour. Le collaborateur doit apprendre à partager ses acquis, souvent évoqués de manière anecdotique, à mieux structurer sa communication et comprendre quel type de compétence il doit mettre en valeur pour obtenir le poste qu’il désire. Il doit surtout éviter de faire un catalogue de celles-ci qui ne seront peut-être pas pertinentes pour le poste convoité.
« Une expatriation ne se refuse pas »
Une expatriation peut tout à fait se refuser si elle ne fait pas sens dans sa carrière. Bien entendu, le collaborateur devra correctement justifier son refus en abordant par exemple son projet, ses souhaits professionnels, sa situation personnelle. Il est en droit de le faire et ce peut être dans son intérêt d’ailleurs. L’histoire d’Henri est typiquement révélatrice de cette erreur. Celui-ci a accepté une mission d’expatriation de 4 ans en Argentine pour apporter son expertise technique sur place. L’entreprise avait besoin que les équipes soient formées avant le début d’un gros projet dans les 5 années à venir.
Après 26 ans d’ancienneté dans son entreprise, sur des rôles exclusivement à périmètre français, il n’avait jamais exprimé l’envie de s’expatrier ni de développer une dimension internationale dans sa carrière. A 48 ans, Henri se retrouve donc en Argentine. Au bout de 3 ans, lorsque son contrat se termine, il reprend contact avec le groupe en France pour préparer son retour. Il est alors confronté à une hiérarchie qui a beaucoup changé, ses anciens managers sont partis en retraite et son ancien service technique a été réorganisé et transféré pour partie en Allemagne. Après 2-3 pistes où Henri n’a pas été sélectionné, la DRH lui fait comprendre qu’il n’y a plus vraiment de place pour lui dans le groupe et qu’il serait préférable de négocier son départ. Henri considère que cette expatriation lui a coûté sa place. Et avec du recul, lorsqu’il repense à son parcours, il réalise qu’il n’aurait pas dû accepter cette expatriation. Accepter de partir parce que l’entreprise a un besoin n’est pas suffisant. L’expatriation doit s’inscrire dans un projet professionnel et personnel.
« Trouver le bon poste à la fin de son contrat d’expatriation, ce n’est pas comme être à la recherche d’un nouvel emploi »
L’obtention d’un poste adapté à l’issue d’une expatriation est aussi difficile que de chercher un poste en externe. L’expatriation entraîne des changements professionnels et personnels profonds. La plupart du temps, les entreprises n’ont pas les moyens de mesurer ces évolutions. Le collaborateur se retrouve donc souvent au retour avec des propositions de postes qui ne lui conviennent pas, parfois avec un management de proximité mal préparé à l’intégrer. Ainsi 47% des salariés expatriés quittent leur entreprise au bout de 2 ans. L’absence de suivi entre le collaborateur expatrié et son entreprise peut ainsi mener à une impasse. Afin d’enrayer cette spirale de l’échec, il faut que le collaborateur soit en mesure de présenter un projet professionnel en interne en harmonie avec ses nouvelles compétences et aspirations. La construction de ce projet demande un réel effort proche d’une personne en recherche d’emploi devant expliquer ses réalisations passées, ses forces, ses motivations et devant préparer ses entretiens pour convaincre un employeur potentiel. Un accompagnement au retour permet de faciliter cette démarche. Clairs sur ses réalisations, ses compétences, ses souhaits professionnels, le collaborateur saura parler de son projet professionnel en interne, convaincre les managers, provoquer, détecter et poursuivre efficacement des opportunités dans l’entreprise.
« L’aspect financier est une bonne raison de s’expatrier »
L’argent ne doit pas être l’unique motivation de l’expatriation. C’est pourtant la motivation de 18% des personnes qui souhaitent s’expatrier (source pôle emploi). Les « packages » sont déjà moins attractifs qu’autrefois et, si c’est la seule motivation du collaborateur, le retour n’en sera que plus difficile. En effet, ces personnes ne voudront pas perdre leur niveau de vie et chercheront à tout prix à négocier leur salaire au détriment de la recherche d’un poste qui fasse sens pour leur projet et employabilité. L’expatriation est aussi un projet familial dans lequel tous les membres doivent trouver leur compte.
🌟J’espère que ces idées reçues vous permettront d’éviter des désillusions éventuelles. J’ai accompagné de très nombreux expatriés au départ et au retour, et ce sont des sujets que nous avons souvent évoqué. Il me semblait donc important de les partager avec vous.
En revanche, loin de moi l’idée de critiquer l’expatriation ! J’ai personnellement eu la chance de passer toute mon enfance en expatriation en Afrique, de travailler en Chine et en Indonésie et si c’était à refaire, je re ferai (que ce soit sur le plan professionnel ou personnel).